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Quand un drapeau corse met le feu aux poudres

(Frédéric Bertocchini - Alta Frequenza) - Nous ne savions pas que le fait de brandir le drapeau d'un pays ou d'une région était considéré comme un acte de provocation, notamment dans le domaine sportif où ce genre d'agissement est très fréquent, pour ne pas dire d'une banalité sans nom. Combien de fois a-t-on vu un athlète faire le tour du stade en exprimant sa joie avec le drapeau de sa chère nation, et ce après avoir conquis la médaille d'or ? Voici quelques jours, l'hymne albanais copieusement sifflé à Belgrade, lors d'un match de football avait choqué le monde sportif, et même au-delà. Aujourd'hui, et a contrario, c'est le député-maire de Nice, Christian Estrosi, qui se dit choqué, considérant dans un tweet que Jean-Louis Leca devait être "sanctionné" après, visiblement, avoir manifesté sa trop grande joie après la victoire bastiaise en terres niçois. Mais que s'est-il réellement passé hier soir (samedi) au stade Allianz Riviera de Nice ? Sur le terrain, pas grand chose. Un match plutôt triste et une victoire bastiaise acquise au courage face à une formation niçoise sans doute supérieure mais bafouant son football. Banale soirée de Ligue 1 en définitive. Mais au coup de sifflet final, le gardien remplaçant du SC Bastia, Jean-Louis Leca, a osé brandir la bandera sur la pelouse. Manifestation de joie après la victoire, mais pouvant être considéré comme de la provocation, avouons-le, notamment après l'affaire du fameux l'Arrêté préfectoral publié, puis retiré, dont nous avons beaucoup parlé cette semaine. Le joueur a-t-il voulu chambrer ses adversaires ? Nous voyons ça quasiment tous les week-ends sur les terrains de football. Mais pouvait-on imaginer que ce geste, somme toute d'une banalité stupéfiante, allait provoquer un effet domino particulièrement violent ? Tout d'abord, et sans doute vexés d'avoir perdu le match sur leur pelouse, les joueurs de l'OGC Nice ont provoqué un attroupement. S'en suivaient alors des explications musclées et des échauffourées entre joueurs. A ce moment là, le stade commençait à se parer d'une certaine laideur. Mais nous savons que dans le football, ces faits ne sont pas rares (malheureusement). Enhardis sans doute par l'exemple donné par les joueurs sur le terrain, voilà que des supporters aspiraient ensuite, et à leur tour, en découdre afin de participer au lynchage annoncé. Selon le président du SC Bastia, Pierre-Marie Geronimi, des joueurs bastiais furent alors agressés, sous les yeux du service de sécurité qui tardait à réagir. Toujours selon le président du club, certains membres de la sécurité ont même participé au pugilat, en frappant des joueurs bastiais et même l'entraîneur l'adjoint du club. Mais ce dernier parviendra néanmoins à reprendre le dessus après quelques minutes d'atermoiement, dressant un cordon de sécurité, permettant ainsi aux joueurs bastiais de rejoindre les vestiaires. Au moment des faits, quatre personnes furent interpellées sur la pelouse. Le Directeur départemental de la Sécurité publique des Alpes-Maritimes, Marcel Authier, a ensuite réagi  après les faits, considérant que "c'était imprévisible. Tout le monde a été surpris par cet envahissement de terrain. (...) Pour autant, il ne s'agit pas là de violences. La police a fait son travail en protégeant la sortie des joueurs." Ceci dit, nous verrons maintenant quelle sera la position de la Ligue de Football Professionnel et celle du ministère de l'Intérieur, si prompt à réagir dès lors que des faits de violence sont constatés dans des enceintes sportives. Peut-être que les instances se pencheront aussi sur certaines banderoles déployées dans les tribunes, dont la juteuse et non moins infâme, "Les Corses sont des chèvres et des fils de chèvres". A moins que les instances ne préfèrent s'attarder sur le geste odieux de Jean-Louis Leca, qui a osé brandir le drapeau de son île.